Le droit de la concurrence déloyale vous protège de vos concurrents
Toute personne a le droit d’entrer sur le marché et de lancer sa propre activité. La libre entreprise et l’accomplissement individuel par le travail – « the pursuit of happiness », cher aux américains – sont des droits fondamentaux de l’individu.
Toutefois, toutes les stratégies commerciales ne sont pas autorisées. Le droit de la concurrence déloyale (encore appelé « droit des pratiques honnêtes ») institue un certain nombre de limites aux comportements autorisés sur le marché.
Les lignes qui suivent dressent un aperçu des principales interdictions commerciales. (Comme toutes règles, elles comportent cependant des exceptions).
Concurrence déloyale : 5 pratiques interdites
La loi ne définit pas clairement ce que constitue un comportement commercial déloyal. Les termes de la loi sont généraux et abstraits :
« Est interdit, tout acte contraire aux pratiques de marché par lequel une entreprise porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’une ou de plusieurs autres entreprises » (Code de droit économique, article VI.104).
De manière très générale, un principe peut être dégagé : il est toujours licite de prendre des parts de marchés à ses concurrents en développant une activité efficace, mais il est interdit de déployer des stratégies visant à désorganiser de façon méchante l’activité d’un concurrent en particulier.
De manière un plus précise, il est possible d’affirmer que les cinq pratiques qui suivent constituent des actes de concurrence déloyale. Elles sont donc interdites.
1. Il est interdit de se faire passer pour son concurrent (« parasitisme »)
- Il est interdit de mettre en place des manœuvres destinées à causer une confusion dans le chef du consommateur. L’utilisation d’un papier à entête similaire ou l’attitude consistant à se faire passer pour un salarié du concurrent peuvent être données comme exemples de stratégies parasitaires.
- La création d’un risque de confusion peut également constituer une violation de la marque ou du nom commercial (« enseigne ») de son concurrent.
2. Il est interdit de dénigrer un concurrent
- Il est interdit de procéder au dénigrement d’un concurrent, en répandant des rumeurs, des propos calomnieux ou en critiquant nommément un concurrent – par exemple, en prétendant qu’il manque de compétences ou qu’il est en défaut de paiement.
- Ceci n’empêche pas de faire de la publicité comparative, pourvu que celle-ci soit réalisée de manière neutre et objective et porte sur les qualités respectives des produits et services.
3. Il est interdit de désorganiser le commerce de son concurrent
- Il est interdit d’étouffer la communication publicitaire de son concurrent.
- Il est interdit de faire du détournement de personnel de manière systématique ou faire du débauchage de personnel en violation d’une clause de non-concurrence.
- Une démission collective des salariés en vue d’établir une entreprise concurrente peut être illégale si elle est suffisamment caractérisée et a pour effet de paralyser leur ancien employeur.
4. Il est interdit d’utiliser les secrets d’affaire de ses concurrents – dont, notamment, le très stratégique « fichier-clients » – lorsque ceux-ci ont été obtenus injustement
L’obtention « injuste » ou « indue » de ce type d’informations a notamment lieu :
- lorsqu’un travailleur use de sa position de confiance pour obtenir et détourner les données mises à sa disposition par son employeur ;
- lorsque les informations sont obtenues en violation d’une obligation contractuelle de confidentialité ;
- lorsque les informations sont obtenues en raison d’une brèche dans le système informatique du concurrent.
Parce que le travailleur salarié est soumis à une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur (laquelle comprend également une obligation de discrétion), la concurrence du travailleur est toujours une « concurrence déloyale » pendant la durée du contrat de travail. A ce titre, elle est toujours interdite.
5. De manière générale, il est interdit de faire concurrence en violation de la loi ou de la réglementation
Toutes les fois où une entreprise dispose de la preuve que ses concurrents ne respectent pas la loi et en tirent avantage dans la vie des affaires, le droit de la concurrence déloyale permet d’intervenir.
Le droit de la concurrence déloyale permet d’interdire toutes les activités contraires à la réglementation publique. Il est notamment possible d’interdire :
- la vente de produits en-dessous du prix minimum imposé par l’Etat ;
- le commerce de produits qui ne respectent pas les exigences de qualité ou de sécurité prévues par les pouvoirs publics.
Les sanctions des pratiques de concurrence déloyale sont nombreuses
La violation des règles de loyauté peuvent être sanctionnées par :
- le licenciement immédiat du travailleur,
- des dommages et intérêts,
- voire même – dans les cas extrêmes – par des sanctions pénales.
Il est donc important de rester vigilant et de prendre éventuellement conseil auprès d’un avocat. Ceci est d’autant plus vrai que d’autres pratiques de concurrence déloyale plus « atypiques » (ou « inventives », selon le point de vue) existent et sont ponctuellement mises à jour par la jurisprudence [1]. (Voyez par exemple ici en ce qui concerne le secteur des taxis).
On le voit, le droit de la concurrence déloyale sanctionne un certain nombre de stratégies jugées comme « injustes » ou « immorales » et portant atteinte à un ou plusieurs concurrents déterminés.
En cela, il se distingue du droit « antitrust » de la concurrence, lequel sanctionne les pratiques jugées inefficaces pour le fonctionnement du marché dans son ensemble.
Toutefois, le droit de la concurrence déloyale et le droit antitrust de la concurrence se rencontrent et se renforcent parfois pour sanctionner des comportements immoraux. Le droit antitrust peut notamment être invoqué pour lutter contre :
- des pratiques de boycott par lesquelles plusieurs entreprises se coalisent pour isoler et exclure du marché un concurrent ;
- des clauses de non-concurrence entre entreprises destinées à instaurer une soi-disant « paix des braves » au détriment du consommateur ;
- des pratiques de manipulation des marchés publics où plusieurs entreprises se coordonnent pour remettre leurs offres de prix à l’administration.
Vous souhaitez un complément d’information sur les actes de concurrence déloyale ?
Contactez-nous[1] Si vous souhaitez en savoir plus sur la concurrence déloyale – soit, au-delà des billets que vous trouverez sur l’excellent blog de votre serviteur –, un grand nombre de ressources de qualité sont disponibles.
Parmi les ressources disponibles en ligne, signalons :
- L’excellent et très pédagogique ouvrage de nos collègues de l’Université de Liège : T. DELVAUX, A. FAYT, D. GOL, D. PASTEGER, M. SIMONIS, N. THIRION, Droit de l’entreprise, Larcier, 2013 ;
- Une intéressante somme sur les différents droits européens E.. TERRYN, D. VOINOT, Droit européen des pratiques commerciales déloyales: Evolution et perspectives, Larcier, 2012.
- Le très classique ouvrage de D. GILLARDIN, D. PUTZEYS, Les Pratiques du commerce autour et alentour, FUSL, 1997.
Parmi les ressources disponibles en version papier, signalons :
- O. BATTARD, J. LIGOT, F. VANDOSSELE, Les pratiques loyales, Larcier, 2ème éd., 2012 ;
- I. FERRANT, Les Pratiques du marché (depuis les lois du 6 avril 2010), Kluwer, 2011 ;
- E. BALATE, I. FERRANT, H. JACQUEMIN, J. LAFFINEUR, J. STUYCK, La protection du consommateur après les lois du 6 avril 2010, Anthémis, 2010.