Le droit de la concurrence vous protège et vous permet de gagner de nouveaux marchés
Le droit ‘antitrust’ de la concurrence sanctionne les pratiques jugées inefficaces pour le fonctionnement du marché dans son ensemble. (Il se distingue en cela du droit de la concurrence déloyale, qui vous protège contre les manœuvres « méchantes », « injustes », ou « immorales » de vos concurrents – dont, par exemple, des pratiques publicitaires agressives).
Le droit antitrust de la concurrence sanctionne deux types de comportements :
- Les accords anticoncurrentiels entre entreprises ; et,
- Les abus de position dominante.
Chacune de ces infractions mérite d’amples développements tant la matière est foisonnante (et, avouons-le, relativement complexe).
Notre propos se limitera ici à fournir un aperçu des pratiques clairement illégales ou dont la légalité peut légitimement être mise en cause. (Nous entrerons progressivement dans les détails ultérieurement).
1. Constituent des accords illicites entre entreprises :
Pour plus de lisibilité, on distingue les accords entre entreprises concurrentes (a) des accords entre fournisseurs et distributeurs (b).
a. Accords illicites entre entreprises concurrentes :
- Le cartel, soit l’accord entre entreprises concurrentes pour interrompre la concurrence entre elles. Le cartel prend le plus souvent la forme d’une entente pour :
- augmenter les prix (ex. : +20% du prix des abonnements de GSM) ;
- réduire les quantités vendues ou produites (ex. : diminution de 10% des quantités de pneus neige) ;
- définir le montant des marges ;
- fixer le prix des matières premières ;
- limiter ou contrôler les investissements ou les développements techniques ;
- …
- Les échanges d’informations « sensibles » entre entreprises concurrentes (ex. : échange d’informations sur les prix, ou autres données susceptibles de mener à un parallélisme de comportements entre concurrents).
- Les pratiques de boycott entre entreprises, soit la pratique par lesquelles plusieurs entreprises se coalisent pour isoler et exclure du marché un concurrent (en coupant ses approvisionnements ou ses débouchés).
- Les pratiques de manipulation des marchés publics, où plusieurs entreprises se coordonnent avant de remettre leur offre de prix à l’autorité publique.
b. Accords illicites entre fournisseur et distributeur :
- Les contrats de distribution fixant un prix de revente imposé au distributeur, ou interdisant les réductions, soldes ou rabais (de même pour les « prix de vente conseillé », mais dont l’irrespect est sanctionné).
- Les restrictions à la distribution en ligne, par lesquelles le fournisseur tente de se réserver l’usage d’internet pour la commercialisation de ses produits, au détriment de son distributeur.
- Les clauses d’exclusivité, lorsqu’elles sont trop longues (généralement, plus de cinq ans), et impliquent un fournisseur ou un distributeur qui dispose d’une part de marché particulièrement importante (plus de 30% de parts de marché).
2. Les pratiques qui suivent constituent des abus de position dominante, interdits par le droit de la concurrence
L’entreprise en position dominante sur le marché – soit, pour simplifier, l’entreprise qui dispose de plus de 40% de parts de marché – se voit imposer une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte à la concurrence
Au regard du droit de la concurrence, constituent des abus (interdits) de position dominante :
- le refus de commercer (refus de fournir, de contracter, de donner en licence, …), lorsque le produit ou service refusé est indispensable pour être présent sur le marché. On peut citer, à titre illustratif :
- le refus de fournir l’accès à un port ou à une piste d’atterrissage ;
- le refus de fournir un agrément indispensable pour être autorisé sur le marché ;
- le refus de fournir un composant indispensable à la production d’un produit complexe (ex. : pièce de rechange, minerai rare, …) ;
- le refus de donner une licence sur un droit de propriété intellectuelle indispensable (ex. : interface d’interopérabilité pour développer un software compatible avec logiciel principal dominant ; brevet intégré dans un standard technique) ;
- le fait de réaliser des ventes liées – soit, le fait de forcer la vente en commun de deux produits au lieu d’un ;
- le fait d’imposer des prix discriminatoires à différentes personnes, sans justes motifs (ex. : imposer des prix différents selon la nationalité de son cocontractant, ou imposer des conditions différentes à des distributeurs identiques) ;
- l’exercice de prix excessifs, ou, en sens inverse, la pratique de prix prédateurs, rabais, remise et ristournes qui ont pour effet d’être inférieurs aux coûts ;
- …
Aucun secteur n’est épargné par le droit de la concurrence
Bien au contraire ! Ces dernières années, l’Autorité belge de la concurrence s’est fait une spécialité de sanctionner des associations professionnelles parmi les plus respectables (Ordre, Barreau, syndicat, confédération professionnelle, …) mais dont les règlements avaient pour effet de restreindre la concurrence.
Ainsi, ont été sanctionnés :
- l’Ordre des pharmaciens (pour des restrictions injustifiées sur la publicité et les heures d’ouverture) ;
- l’Ordre des architectes (pour des barèmes imposés) ;
- l’Ordre des vétérinaires (pour des tarifs minimaux imposés à ses membres) ;
- la Fédération des architectes d’intérieur (pour avoir préparé un contrat-type pour ses membres, fixant des règles de rémunération) ;
- la Fédération professionnelle des auto-écoles (pour avoir diffusé des études de coûts de fonctionnement des auto-écoles, susceptibles de mener à une harmonisation des tarifs).
Si votre association professionnelle vous impose des règles qui restreignent votre activité, il est possible que ce soit l’association professionnelle qui soit dans l’illégalité.
Aucun secteur n’est épargné par le droit de la concurrence ! Ainsi, le droit de la concurrence peut atteindre des industries aussi variées que :
- le transport par taxis, bousculé par l’entrée d’Uber ;
- le secteur de la bande-dessinée ;
- la production de pièces de rechange (GSM, voiture, montres),
- …
Attention ! : la violation des règles de concurrence est sévèrement sanctionnée
Le droit de la concurrence est sanctionné par le droit européen, mais également par le droit belge de la concurrence. Dans un ou dans l’autre cas, des sanctions sévères peuvent être prononcées.
La violation du droit de la concurrence est sanctionnée par :
- des amendes particulièrement lourdes, atteignant des sommes comprises entre dix mille et plusieurs centaines de millions d’euros – le cartel de la grande distribution (Carrefour, Colruyt, Delhaize, Makro, Cora, …) s’est récemment vu infligé une telle amende, pour un total de 173 millions d’euros) ;
- l’annulation du contrat illégal, ce qui peut s’avérer stratégiquement intéressant pour refuser de mettre en œuvre un contrat (de distribution ou de fourniture) devenu commercialement indésirable ;
- un ordre du juge de reprendre les livraisons, et les approvisionnements ;
- des amendes personnelles, pour les individus qui seraient à l’origine de l’infraction.
En outre, la violation du droit de la concurrence est susceptible de donner lieu à une action (collective) en réparation du dommage causé aux consommateurs, éventuellement pour des montants importants.
Vous souhaitez en savoir plus sur vos droits au regard de la concurrence ? Vous avez une question ?
Contactez-nousLe lecteur qui souhaiterait aller plus loin sur le sujet peut se référer aux ouvrages de qualité qui suivent :
Sources en ligne :
- R. WHISH & D. BAILEY, Competition Law, Oxford, Oxford, 2015, 8th ed. 1072 p. ;
- JONES & B. SUFRIN, EU Competition Law, Text, Cases and Materials, Oxford, Oxford, 2014, 5th ed., 1331 p. ;
- D. BOSCO et C. PRIETO, Droit européen de la concurrence: Ententes et abus de position dominante, Bruxelles, Bruylant, 2013 ;
- VAN BAEL & J.-F. BELLIS, Competition Law of the European Community, The Hague, Kluwer, 5th ed., 2009 ;
- D. GRISAY, Introduction au droit belge de la concurrence, Bruxelles, Larcier, 2009, 362 p. ;
Sources papier :
- N. PETIT, Droit européen de la concurrence, Paris, Montchrestien, 2013, 688 p.;
- V. ROSE & D. BAILY, Bellamy and Child: European Union Law of Competition, 2013, Oxford, Oxford, 7th ed, 3736 p.