Publicité, concurrence déloyale, étouffement

Quelles sont les stratégies publicitaires autorisées à l’égard de vos concurrents ?

Nous évoquions dans une note précédente les atteintes à la concurrence susceptibles d’être causées par des pratiques de publicités comparatives douteuses. Le billet de ce jour s’attache à faire une présentation de la jurisprudence applicable aux pratiques – plus triviales, mais tout aussi nocives – d’ « étouffement » et de « parasitisme » publicitaire.

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Le commerce étant libre, chacun peut installer son entreprise dans le sillage d’une autre qui, par ses seuls efforts, a permis le développement d’un nouveau marché – qu’il s’agisse d’un nouveau marché de produits ou, plus modestement, d’une nouvelle zone de passage de la clientèle. Ainsi, chacun a la possibilité d’installer son commerce à proximité d’un concurrent bien établi, même dans le but avoué de profiter du passage de la clientèle du concurrent.

Le droit des usages honnêtes en matière commerciale fixe cependant une double-limite à ce type de comportements, limite qui consiste à :

  1. interdire les pratiques destinées à nuire au concurrent (« étouffement ») ;  et,
  2. interdire les pratiques destinées à engendrer la confusion du consommateur (« parasitisme »).

Comme exposé dans les lignes qui suivent, ces règles trouvent à s’appliquer en matière de publicité.

1. Les tentatives d’étouffement

De manière générale, la jurisprudence désapprouve les stratégies destinées à couper du public un concurrent qui mène une campagne publicitaire. Ainsi, le fait de systématiquement recouvrir les affiches d’un concurrent de ses propres affiches, a été jugé contraire aux pratiques de commerce (Trib. Comm. Bruxelles, 2 juin 1989).

De même, le fait de placer sur un trottoir des présentoirs destinés à bloquer l’accès au magasin concurrent, ou le fait de placer des panneaux publicitaires à proximité de l’emplacement d’un rival pour détourner le flux de clientèle, a pu être jugé contraire aux usages honnêtes en matière commerciale (ex. : Trib. Comm. Hasselt, 28 décembre 1990).

Dans le même ordre d’idées plusieurs décisions ont également été rendues pour interdire le positionnement d’enseignes commerciales de la manière la plus à même de masquer l’enseigne d’un concurrent, à partir de la perspective qu’occupe le public lorsqu’il fréquente l’artère commerçante qui mène aux commerces.

2. Publicité parasitaire

Quoique la jurisprudence connaisse divers soubresauts, la tendance actuelle est à considérer que la copie des stratégies commerciale d’un concurrent est admissible pourvu qu’elle n’entraîne pas de confusion dans l’esprit du consommateur quant aux biens qu’il achète et/ou quant à la personne de son fournisseur.

Ainsi, par une décision du 28 septembre 2000, la Cour d’appel de Liège a arrêté : « La copie, même servile, n’est pas interdite, sauf si en voyant ce que le concurrent présente, le consommateur moyennement attentif est frappé par ce qui est ressemblant, au point d’en confondre les deux commerçants, ou de les associer l’un à l’autre, ou si les éléments copiés permettent à l’auteur de la copie de profiter indûment de la renommée de son concurrent, c’est-à-dire de récupérer sa clientèle sans avoir à faire les efforts de créativité, et les investissement que celui-ci à dû consacrer à l’élaboration de son produits. »

Un raisonnement similaire avait déjà été adopté par le Président du Tribunal de commerce de Bruxelles dans un jugement du 4 novembre 1996. En l’espèce, un organisateur de conférence avait copié les prospectus publicitaires de son concurrent direct. Les ressemblances étaient multiples :

  • même format (alors qu’il s’agissait d’un format inhabituel),
  • même papier,
  • même pliure,
  • même page de couverture (disposition des photos, des légendes, couleurs),
  • etc.

Considérant, que « la ressemblance est telle qu’elle escamote l’effet distinctif de la mention sur chacun des deux prospectus de la dénomination sociale de la partie qui le diffuse » ; considérant également que la confusion était avérée par des erreurs subséquentes commises dans la presse, le juge déclara la pratique contraire aux usages honnêtes en matière commerciale. Le juge ordonna la cessation de la diffusion du prospectus parasitaire sous peine du paiement d’une astreinte de 250 euros par exemplaire encore diffusé. Fut également ordonnée la publication du jugement, aux frais de la défenderesse, dans deux journaux à choisir par la partie victime des agissements.

Depuis lors, de nombreux jugements ont été rendus selon une lignée décisionnelle similaire (ex. : Prés. Comm. Bruxelles 28 octobre 2002 ; Prés. Comm. Arlon 24 décembre 2009), la confusion du consommateur étant même parfois automatiquement déduite de la copie quasi-servile de la publicité d’un tiers.

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