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Après avoir exposé les raisons justifiant de recourir au secret d’affaires pour protéger les inventions d’une entreprises, et avoir posé les conditions de protection du savoir-faire par le contrat de confidentialité, nous concluons notre série consacrée à la protection du savoir-faire de l’entreprise par un bref examen du contentieux lié au secret.

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Clause de confidentialité : quelle sanction ?

Le contentieux lié au savoir-faire est marqué par la nature même de la protection attachée au secret : celle-ci disparaît dès lors que le secret est divulgué et que l’information tombe dans le domaine public. Parce que le savoir-faire n’est pas un droit de la propriété intellectuelle, parce qu’il ne fait l’objet d’aucun monopole légal et qu’il n’implique aucun droit exclusif d’exploitation, la loi n’autorise pas l’entreprise qui a mis ce savoir-faire au point à empêcher les tiers d’en faire l’usage.

En d’autres termes, lorsqu’un tiers fait usage d’un savoir-faire qui était jusque-là tenu secret par l’entreprise qui l’avait mis au point, il n’est pas possible d’interdire cet usage via une action en cessation diligentée devant le juge. Cette réalité a été très clairement formulée par l’arrêt du 12 juin 2008, rendu par la Cour d’appel de Liège :

« Lorsque le secret est éventé, il serait vain de vouloir revenir en arrière et la question relève plutôt d’une procédure en indemnisation. (…) Le secret de fabrique ne peut conférer à celui qui le détient des droits équivalents, voire supérieurs au détenteur d’un brevet, ce que l’arrêt du 2 septembre 2004 avait déjà souligné. Le secret de fabrique n’est pas protégé par un droit de propriété intellectuelle, il est soumis au principe de la libre concurrence et à son corollaire, qui est la liberté de copie.

Raisonner autrement et interdire non seulement la divulgation, mais encore l’utilisation du secret de fabrique, reviendrait inéluctablement à conférer à l’intimée un droit équivalent au titulaire du brevet, alors que ce dernier a pris la peine de faire certaines concessions (divulgation, accomplissement de formalités, paiement de droits) afin de bénéficier de la protection légale. Ces différentes considérations justifient qu’ (…) un ordre de cessation ne puisse être corrélativement imposé, l’acte litigieux ayant été définitivement accompli par l’écoulement du temps ».

Ces considérations ont deux implications, qu’il convient de souligner ici.

Premièrement, l’absence de tout monopole légal sur un savoir-faire uniquement protégé par le secret a pour conséquence qu’aucune sanction ne pourra être prise contre un tiers qui a mis au point un savoir-faire identique de manière indépendante. User, reproduire ou divulguer un savoir-faire équivalent au savoir-faire gardé secret par l’entreprise qui, la première, l’a mis au point, ne constitue pas en soi une pratique interdite. Pour que ce type de pratiques soit critiquable, il faut nécessairement que l’usage du savoir-faire ait été fait par une personne qui était tenue par une obligation de confidentialité.

Deuxièmement, lorsqu’une obligation de confidentialité a été conclue et violée, le tiers à qui le savoir-faire été transmis ne pourra pas se voir interdire d’utiliser ces connaissances. En d’autres termes, il ne sera pas possible de diligenter devant le juge une « action en cessation » – la sanction-type en matière de propriété intellectuelle – en vue d’obtenir une décision de justice interdisant qu’il soit fait usage de l’information qui était jusque-là tenue secrète. La seule sanction disponible sera une action en indemnité, uniquement susceptible d’être diligentée contre la partie qui a violé son obligation de confidentialité.

Dans ces circonstances, nous conseillerons une nouvelle fois aux justiciables de prévoir dans l’accord de confidentialité une clause pénale au montant suffisamment dissuasif – ou suffisamment réparateur – pour éviter toute déconvenue.

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Si vous souhaitez en savoir plus sur les accords de confidentialité ou sur la protection des secrets d’affaire, n’hésitez pas à nous contacter !

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Mise à jour : la Directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, semble introduire une action en cessation contre ceux qui violent une obligation de confidentialité (mais non pas contre ceux qui développent indépendamment un secret d’affaire équivalent ou identique au secret protégé).

Pour en savoir plus sur la portée exacte de cette action en cessation (qui viendrait s’ajouter à l’action en dommages et intérêts), il faut attendre la transposition de la Directive européenne en droit national belge, ainsi que les premières décisions de jurisprudence qui seront rendues en la matière).

La Directive 2016/943 précise également la méthode de calcul de l’indemnisation auquel à droit le titulaire d’un secret d’affaire qui serait violé par celui qui est tenu à une obligation de confidentialité. Cette méthode d’indemnisation est en fait très proche de celle qui existe déjà pour les autres droits de la propriété intellectuelle. Pour en savoir plus sur ce sujet, il est possible de se référer à notre article sur l’indemnisation de la contrefaçon (dommages et intérêts).