Vous pouvez protéger (« privatiser ») l’apparence (le « design ») de vos produits !
Dans une précédente note, nous mettions en lumière 3 très bonnes raisons pour protéger l’apparence (design) de vos produits.
La note de ce jour présente les précautions qu’il faut prendre et les conditions qu’il faut remplir pour protéger cette apparence à l’aide de la propriété intellectuelle. Il s’agit là de la suite de notre série de notes consacrée à la protection de l’apparence des produits par le droit des dessins et modèles.
Que protège le droit des dessins et modèles ?
Rappelons-le brièvement, le droit des dessins et modèles permet de protéger « l’apparence » extérieure d’un produit soit, le « design », le « look », le « visuel » d’un produit.
En pratique, il peut s’agir de protéger :
- la forme d’une bouteille de parfum,
- les couleurs d’un rideau ou d’un papier peint,
- les courbes d’un meuble,
- la texture d’une robe,
- la forme d’un nouveau casque de réalité virtuelle, ou
- le design d’une montre connectée.
En jargon juridique, on entend par « dessin ou modèle » :
« l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation » (Règlement (CE) n° 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires, art. 3).
Lorsque l’apparence du produit est exprimée en deux dimensions, on parle de dessin ; lorsqu’elle est exprimée en trois dimensions, on parle de modèle.
Quelles démarches dois-je accomplir pour protéger l’apparence de mon produit ?
La protection d’un dessin ou d’un modèle aura le plus souvent[1] lieu auprès de l’Office d’Harmonisation du Marché Intérieur (« OHMI »), soit l’Office européen de la propriété intellectuelle[2].
D’un point de vue pratique, l’enregistrement d’un dessin ou d’un modèle implique :
- la mise en ligne (« uploading ») d’une série de photographies du produit dont la protection est demandée ;
- la sélection des catégories de produits pour lesquels la protection est sollicitée (pour une chaise, pour une lampe, pour un jouet, etc.) ; et,
- le paiement d’une taxe de 350 euros pour une protection dans toute l’Europe.
Quelles sont les conditions de la protection ? Quelles précautions prendre pour garantir la « protégeabilité » de votre produit ?
Un dessin ou modèle ne doit pas nécessairement être esthétique. Ainsi, il est possible de protéger les pièces détachées d’un moteur de voiture ou d’une montre.
Pour pouvoir être protégé, les dessin et modèles doivent :
- être nouveau (article 5 du Règlement) ; et,
- présenter un caractère individuel (article 6 du Règlement).
Les lignes qui suivent introduisent brièvement ces deux conditions. Nous fournissons également quelques conseils élémentaires qui vous permettront d’éviter les catastrophes.
1. Nouveauté
Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique – ou quasiment identique – n’a été divulgué au public européen avant sa date de dépôt.
La divulgation au public peut avoir lieu de nombreuses manière, dont, par exemple :
- la commercialisation du produit ;
- son exposition dans une vitrine ;
- sa publication une foire, un salon ou un catalogue ;
Notre conseil : Il est capital que tout créateur veille à préserver un certain secret autour de son produit tant que celui-ci n’a pas été enregistré.
Par exception, le créateur qui aurait divulgué son dessin ou modèle au public dispose d’un délai de grâce de 12 mois pour procéder à son enregistrement.
Par exception encore, la jurisprudence a pu reconnaître qu’une communication de faible ampleur (ex. : à une seule entreprise ; à une entreprise exclusivement située en dehors du territoire de l’Union européenne), pouvait ne pas avoir pour effet de détruire la nouveauté du produit et pouvait encore être protégé (CJUE, 13 février 2014, Gautzsch Großhandel, C-479/12).
Toutefois, la bonne précaution à prendre si le produit n’a pas été enregistré avant de contacter un industriel qui pourrait être intéressé par la commercialisation de votre produit consiste à conclure au préalable un contrat de confidentialité.
2. Caractère individuel (absence d’impression de « déjà vu »)
Le dessin ou modèle présente un caractère individuel lorsqu’il ne crée pas une impression globale de « déjà-vu », par rapport aux dessins ou modèles préalablement divulgués au public, pour un même type de produit.
Notre conseil : Afin d’éviter de déposer un dessin ou modèle « déjà vu » ailleurs pour un même produit, plusieurs sources officielles conseillent de vérifier qu’il n’existe pas de dessin ou modèle similaire en faisant des recherches dans les registres des dessins et modèles, tels que la base de données DesignView (laquelle dispose d’ailleurs d’un intéressant tutoriel pédagogique).
En pratique toutefois, il est très difficile de procéder à une analyse exhaustive des dessins et modèles préexistants. Il s’agit d’une étude qui n’est vraiment faite de manière complète que lorsqu’un conflit surgit
Dans ces circonstances, un créateur pragmatique :
- s’intéressera à ce qui se fait se fait autour de lui (en consultant des catalogues professionnels, et en restant à l’affut des tendances) ;
- cela fait, veillera à être original, créatif, et à s’éloigner de ce qui existe déjà.
La tendance du moment et la mode ne sont pas considérés comme justifiant de se rapprocher d’un dessin ou modèle qui préexiste[1].
Somme toute, un réel travail créatif est le meilleur de remparts contre les critiques ; il justifie qu’une protection soit octroyée.
Vous souhaitez un complément d’information sur la protection légale offerte aux dessins et modèles ?
Vous souhaitez de l’aide pour enregistrer votre dessin ou votre modèle ?
Contactez-nous [1] TUE, 4 février 2014, Sachi Premium-OutdoorFurniture/OHMI GandiaBlasco T-357/12, para. 21.
Certes, la loi sait s’adapter : plus la liberté du créateur est restreinte par des « restrictions techniques » dans l’élaboration d’un dessin et modèle, plus des différences mineures de design suffisent à éviter une impression de « déjà vu ». Ainsi :
- des « pogs», sont nécessairement doivent des lamelles de carton ; seuls les motifs imprimés peuvent varier TUE, 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic /OHMI – Pepsico, T‑9/07, para 67.;
- on ne peut critiquer une montre pour fonctionner avec deux aiguilles et des délimitations pour les heures et les minutes ; par contre, les aiguilles, le cadran et les sections peuvent être de toutes formes, matières ou couleur (TUE, 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMIi T-80/10, para. 113).