Vous avez conclu une clause de non-concurrence avec un agent commercial ou en tant qu’agent commercial ? Découvrez vos droits !
Les clauses de non-concurrence sont fréquentes dans les contrats d’agence commerciale et sont strictement réglementées. Les lignes qui suivent exposent les règles qui leur sont applicables.
Pour d’autres types de contrats (contrat de travail, contrat d’entreprise, etc.), consultez notre série de notes sur les clauses de non-concurrence.
Pour ceux qui ignorent ce qu’est un contrat d’agence commerciale – et se posent la question de savoir si la présente note les intéresse – résumons en deux mots.
Fondamentalement, l’agent est un vendeur payé à la commission [1] : l’agent « bat le marché » et démarche une clientèle pour le compte d’un « commettant », lequel lui verse une commission pour chaque nouveau client ainsi obtenu.
La clientèle connaissant l’agent et ayant été convaincue par lui, le risque existe que l’agent revende la même clientèle à plusieurs commettants ce qui – convenons-en – priverait le contrat d’agence de tout intérêt pour le commettant. Afin d’éviter ce type de situations, la loi prévoit la possibilité d’imposer à l’agent des clauses de non-concurrence.
En matière de contrats d’agence, il faut distinguer deux types d’obligations de non-concurrence.
L’obligation de non-concurrence pendant le contrat d’agence
L’article X.4 du Code de droit économique [2] impose à l’agent commercial une obligation générale de loyauté vis-à-vis de son commettant :
« L’agent commercial doit veiller aux intérêts du commettant et agir loyalement et de bonne foi ».
De cette obligation générale de loyauté est déduite une obligation selon laquelle l’agent « doit s’abstenir de concurrencer le commettant pendant l’exécution du contrat. »
Tout contrat d’agence implique donc, de par la loi, une obligation implicite de non-concurrence à l’égard du commettant
Ceci ne signifie pas que l’agent doit ne travailler que pour un seul commettant ; au contraire !, l’agent est indépendant et en principe libre de s’engager auprès de plusieurs parties. Mais les différents commettants représentés par l’agent ne peuvent pas être concurrents[3].
Le cas échéant, le contrat peut modaliser l’obligation de non-concurrence de l’agent.
L’obligation de non-concurrence après que le contrat d’agence a pris fin
Parce qu’elle risque d’empêcher le commettant d’exercer sa profession, la clause de non-concurrence post-contractuelle est strictement encadrée, tant par des conditions de validité que par des conditions de mise en œuvre.
Conditions de validité :
Selon l’article X.22 du Code de droit économique, la clause de non-concurrence ne sera valable que si :
- elle a été stipulée par écrit ;
- elle concerne le type d’affaires dont l’agent était chargé ;
- elle ne vise que le secteur géographique ou le groupe de personnes confiés à l’agent ; et,
- elle n’excède pas six mois après la cessation du contrat.
Si l’une de ces conditions est manquante, la clause de non-concurrence est nulle.
Conditions de mise en œuvre :
La clause de non-concurrence, même valable, ne trouve pas à s’appliquer :
- si c’est l’agent qui met fin au contrat d’agence et qu’il invoque un manquement grave du commettant ou des circonstances exceptionnelles rendant définitivement impossible toute collaboration (le comportement inacceptable du commettant libère l’agent) ;
- si c’est le commettant qui met fin au contrat sans qu’il n’existe de manquement grave de l’agent ou autres circonstances exceptionnelles rendant définitivement impossible toute collaboration (si le commettant est contraint de rompre brutalement le contrat en raison du comportement de l’agent, l’agent reste tenu par la clause de non-concurrence ; si le commettant rompt volontairement le contrat sans faute de l’agent, l’agent est libéré de la clause de non-concurrence).
Sanction(s) éventuelle(s) en cas de non-respect de la clause de non-concurrence
Pour qu’il y ait sanction, il faut d’abord qu’il y ait violation de l’obligation de non-concurrence.
De manière intéressante, on peut lire [4] que le caractère concurrent (ou non) de deux affaires doit être évalué au regard du caractère exclusif de l’opération commerciale : deux affaires sont concurrentes si le client n’achèterait de toutes façons pas les produits du premier et du second commettant, mais uniquement l’un ou l’autre.
Deux sanctions sont possibles en cas de violation de la clause de non-concurrence :
- si le contrat prévoit une indemnité forfaitaire en cas de violation de la clause de non-concurrence (soit, une « clause pénale »), le montant prévu au contrat est dû dès lors que l’obligation est violée par l’agent. Toutefois, le montant prévu par la clause pénale ne peut pas dépasser une somme égale à une année de rémunération de l’agent.
- le commettant peut aussi réclamer la réparation de son préjudice réel (éventuellement supérieur au montant de la clause pénale), à charge pour lui de prouver son ampleur et son montant.
Quels avantages pour l’agent ?
Dans ces circonstances, puisque la clause de non-concurrence ne protège que le commettant, pourquoi diable l’agent accepterait-il de signer une telle clause ? La réponse, souvent, est prosaïque : parce que le commettant détenait le pouvoir de négociation et a pu imposer ses désidératas à l’agent lors de la conclusion du contrat. C’est d’ailleurs précisément pourquoi la loi encadre la clause de non-concurrence post contractuelle : afin de protéger l’agent.
Toutefois, la loi prévoit deux avantages au profit de l’agent. La clause de non-concurrence post-contractuelle fait présumer :
- que l’agent a apporté une clientèle au commettant ;
- que l’agent a procuré des avantages substantiels au commettant après la cessation du contrat.
Ces présomptions mettent l’agent en bonne posture pour solliciter – et obtenir – une indemnité d’éviction pour le rémunérer de la clientèle apportée au commettant.
Des questions ? Des précisions ? Vous souhaitez un complément d’information ou un avis sur votre situation personnelle ?
N’hésitez pas à nous contacter ![1] De manière plus complète, la loi définit le contrat d’agence commerciale comme « le contrat par lequel l’un des parties, l’agent commercial, est chargée de façon permanente, et moyennant rémunération, par l’autre partie, le commettant, sans être soumis à l’autorité de ce dernier, de la négociation et éventuellement de la conclusion d’affaires au nom et pour compte du commettant » (article I.11 du Code de droit économique).
Il en résulte que l’application des dispositions propres au contrat d’agence commercial dépend pour beaucoup du caractère permanent/régulier de la relation existant entre l’agent et le commettant ainsi que de l’indépendance de l’agent.
Des dispositions spécifiques existent concernant les contrats d’agent de banque et d’agent commercial.
[2] Code de droit économique, 28 février 2013, M.B., 29 mars 2013, p. 19975.
[3] P. DEMOLIN, Agent commercial, agent de banque, agent d’assurance, Waterloo, Kluwer, 2007, p.19.
[4] Ibidem, p.137.