L’enseigne (nom commercial) de votre établissement est protégée par la loi

La loi protège le nom commercial (ou « enseigne ») des entreprises contre tout usage d’un nom similaire susceptible de tromper le consommateur.

Les lignes qui suivent font le point sur les conditions dans lesquelles la protection du nom commercial peut être invoquée.

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Enjeux économiques

Il est difficile de choisir un bon nom pour son entreprise. L’objectif est toujours le même : opter pour un nom qui, tout à la fois, soit suffisamment original pour interpeler le client et suffisamment explicite pour permettre l’identification du produit vendu. Le compromis étant difficile, de nombreuses entreprises se retrouvent à partager des noms relativement proches.

Il suffit de faire défiler les pages de l’annuaire pour s’en convaincre ; pour un type de commerce donné, les déclinaisons autour d’un même thème ne manquent pas. Ainsi, rien qu’en province de Liège, on observe que plusieurs restaurants ont choisi de faire usage de la notion de « sel » dans leur enseigne : Poivre et Sel, Grain de Sel, Le Grain de sel, La Fleur de sel, Entre Sel et Terre, Sel et Poivre, ...

Si ce type de situation ne pose généralement pas de problème, certaines ressemblances risquent d’engendrer de la confusion dans l’esprit du consommateur. Afin d’éviter qu’une entreprise ne parasite une entreprise rivale qui, antérieurement, a déployé des efforts pour se faire reconnaître par le consommateur, le nom commercial est aujourd’hui protégé par le Code de droit économique, dont l’article VI.97 dispose :

« Art. VI.97. Est également réputée trompeuse, une pratique commerciale qui, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, lorsqu’elle implique :
toute activité de marketing concernant un produit, y compris la publicité comparative, créant une confusion avec un autre produit, marque, nom commercial ou autre signe distinctif d’un concurrent;
(…)
»

Le nom commercial : de quoi s’agit-il ?

Le nom commercial d’une entreprise est le nom sous lequel cette entreprise est connue du public. Il se manifeste à de nombreuses occasions :

  • enseigne commerciale,
  • brochures publicitaires,
  • cartes de visite,
  • papier à en-tête, etc.

Il sert à distinguer une entreprise des autres entreprises commerciales semblables et permet d’assurer la fidélisation de la clientèle. Il doit être distingué de la marque déposée ou du nom de domaine (même si une entreprise peut cumuler nom commercial, marque déposée et nom de domaine).

Le nom commercial est protégé par un droit de la propriété industrielle intrinsèquement lié au fonds de commerce. La protection consiste alors à permettre au premier utilisateur du nom commercial de faire interdire une utilisation postérieure de ce nom, lorsque cette utilisation peut faire naître une éventuelle confusion dans le chef de la clientèle.

Le nom commercial est protégé par la loi sans qu’aucun dépôt où enregistrement du nom ne doivent être préalablement accomplis – en cela, le nom commercial constitue une protection plus facilement accessible que d’autres, dont le droit à la marque, notamment. Le droit sur le nom commercial naît du premier usage qui en est fait, pourvu que le nom commercial soit public, visible et continu.

Etendue de la protection

Le droit sur le nom commercial résultant de l’usage qui est en est fait, il est également limité à cet usage. En d’autres termes, il n’est possible d’interdire aux tiers d’user d’un nom commercial similaire que dans les limites du rayonnement géographique du nom commercial. Ainsi, le territoire géographique sur lequel s’exerce la protection du nom commercial peut varier au fur et à mesure du développement des activités commerciales de l’entreprise : d’abord limité au territoire d’une commune, la renommée d’un nom commercial peut – avec le temps et les succès commerciaux – s’étendre au-delà des frontières de sa région, voire au-delà des frontières nationales.

La personne qui souhaite faire valoir ses droits à l’encontre d’un concurrent sur la base de son nom commercial doit prouver :

  1. l’antériorité de l’usage de son nom ;
  2. un risque confusion à propos de l’activité commerciale ;
  3. un conflit entre le rayonnement géographique des activités commerciales ; et,
  4. un risque de confusion.

Le nœud du problème : un risque de confusion

Le risque de confusion est généralement la question sur laquelle portent le plus les débats. Depuis une jurisprudence rendue par la Cour d’appel de Bruxelles le 17 mai 1996, il est entendu que trois facteurs influent sur l’analyse du risque de confusion :

  • la similarité des noms employés (laquelle s’apprécie par comparaison des aspects auditifs, visuels et intellectuels des noms en concurrence) ;
  • la similarité des activités exercées ; et,
  • la proximité géographique des entreprises en cause.

La distinctivité (originalité) du nom le plus ancien est également à même de jouer un rôle sur l’analyse du risque de confusion : plus un nom est distinctif, plus il sera légitime d’argumenter que l’usage d’un nom similaire crée un risque de confusion ; en sens inverse, plus le nom commercial est descriptif de l’activité exercée, plus il sera difficile d’obtenir du juge qu’il censure l’usage d’un nom similaire. Ceci explique notamment que plusieurs enseignes puissent user du terme « sel » pour leur enseigne et coexister dans une même aire géographique, tant il est vrai qu’il est peu original de se référer au sel dans la restauration.

La doctrine (P. MAEYAERT, « Conflit entre marques, dénominations sociales, noms commerciaux et noms de domaine », Droits intellectuels : à la rencontre d’une stratégie pour l’entreprise, 2002, p. 284 et s.) recense les exemples de conflits suivants, pour lesquels un risque de confusion a été retenu :

  • Exception c. Exception Event Business
  • Delice c. Pralines Delice
  • Sunproject c. Sunprotect
  • Restaurant Vateli c. P’tit Vatelli
  • R. Delante c. Chauffage Sanitaire Delnatte

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Les conflits entre des noms commerciaux similaires ne sont pas les seuls cas où la protection du nom commercial peut être invoquée. Nom commercial et marque déposée peuvent également entrer en conflit. Il s’agit d’ailleurs d’un cas de friction fréquent. La loi prévoit des règles particulières pour régler ce type de conflits.

Nous y reviendrons à l’occasion d’un prochain billet.

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