Vos droits intellectuels ont été copiés ? Vous avez droit à une indemnisation !
Découvrez ici les règles de calcul de l’indemnisation de la contrefaçon de droits de la propriété intellectuelle (dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon).
Les règles exprimées dans les lignes qui suivent s’appliquent à tous les cas de contrefaçon, quel que soit le type de droit intellectuel qui a été violé (droit d’auteur, brevet, marque, design et dessins ou modèles, …).
La présente note fait partie d’une série de fiches explicatives consacrées à la contrefaçon (copie) des droits de propriété intellectuelle. N’hésitez pas à vous y reporter pour plus d’explications. Plus particulièrement, n’hésitez pas à vous reporter à notre fiche de conseils destinés à permettre aux propriétaires de droits de propriété intellectuelle d’obtenir un « juste prix » pour les redevances (« royalties ») négociées dans le cadre d’un contrat de licence.
La victime de contrefaçon a droit à une indemnisation intégrale de son préjudice
Selon un principe bien établi en droit belge, toute personne qui cause à autrui un préjudice a l’obligation d’en réparer les conséquences (article 1382 du Code civil).
La personne responsable doit réparer « le dommage, rien que le dommage, mais tout le dommage ». Ce principe impose au juge l’obligation de déterminer de la manière la plus précise possible – et avec le concours des parties – le montant exact du préjudice causé et de son indemnisation [1].
En matière de contrefaçon, les questions relatives au calcul de l’indemnisation s’entremêlent avec celle relatives à la valeur à reconnaître aux droits de propriété intellectuelle, ce qui rend les calculs particulièrement difficiles. (Qui a dit « aléatoire » ?).
Confrontée à cette situation, la jurisprudence s’efforce d’établir une méthodologie d’évaluation du dommage. Nous en présentons les contours ci-dessous.
1. Indemnisation du manque à gagner causé par la contrefaçon
Le principal dommage causé par la contrefaçon est un manque à gagner. Parce qu’un tiers a contrefait et vendu une copie de la création protégée, le titulaire des droits de propriété intellectuelle peut réclamer le remboursement du manque à gagner qu’il a dû subir en conséquence (la « non-entrée d’argent »).
Règles de calcul de l’indemnisation de la contrefaçon
Le calcul de l’indemnisation du manque à gagner se fait en deux étapes [2].
Dans un premier temps, il faut définir la masse de produits contrefaisants, sur la base de laquelle les calculs pourront être faits. En bref, il s’agit ici d’identifier (comptabiliser) les copies produites sans l’autorisation du titulaire de droits (nombre des copies de livres, CD, DVD, téléchargements qui ont eu lieu sans autorisation).
Dans un second temps, il faut calculer le montant que le titulaire de droits aurait pu encaisser pour cette masse contrefaisante.
Une nouvelle distinction doit alors être faite entre :
- les biens que le titulaire de droits aurait pu produire et vendre lui-même (et pour lesquels il doit être dédommagé de la perte de bénéfice qu’il aurait réalisée sur la vente manquée) ; et,
- les biens que le titulaire n’aurait pas pu produire et vendre (et pour lesquels il doit être dédommagé de la redevance qu’il aurait pu exiger si l’auteur de la contrefaçon avait négocié un contrat de licence préalable, comme il était tenu de le faire).
En pratique, la méthode d’évaluation peut être schématisée comme suit :
Cette distinction (bénéfice manqué/redevance manquée) n’est pas sans conséquences : le bénéfice réalisé par une entreprise sur la vente de ses produits est généralement plus élevé que le bénéfice réalisé dans le cadre d’un accord de licence. Il importe donc de faire preuve de rigueur dans l’analyse des faits.
Difficultés liées au calcul de l’indemnisation de la contrefaçon
En dépit de principes relativement sains, le calcul de l’indemnisation de la contrefaçon reste une opération difficile :
- d’une part, le calcul du bénéfice perdu par unité non-vendue est souvent difficile à faire pour une entreprise – en particulier quand les coûts de production sont partagés entre plusieurs types de produits dont un seul a été contrefait ;
- d’autre part, définir le taux de la redevance qui aurait dû être négociée implique de définir rétrospectivement le type et les modalités du contrat de licence qui aurait dû être conclu (licence exclusive ou non, territoires concernés et durée de la licence, etc.), ce qui implique souvent une part de spéculation.
En outre, diverses controverses juridiques viennent encore compliquer l’analyse. À titre d’exemples, citons :
- le calcul du dommage doit-il être majoré pour sanctionner la contrefaçon ? [3] ;
- le bénéfice manqué à prendre en considération est-il le bénéfice brut – avant prélèvements obligatoires – ou le bénéfice net ? ;
- la masse contrefaisante doit-elle inclure tous les biens contrefaits produits, ou uniquement ceux effectivement vendus ? ;
- dans quelles conditions peut-on considérer que le titulaire n’a fait aucune perte dans la mesure où il n’aurait pas réussi à vendre le produit original ?
Les avocats spécialisés en propriété intellectuelle connaissent bien les arguments et contre-arguments qui sont habituellement articulés dans les litiges d’idemnisation. Il est donc particulièrement important de se faire correctement conseiller dans ce genre de dossier, pour éviter le déplacement inopportun d’un zéro ou d’une décimale.
Conseils pratiques
Au vu des difficultés énoncées ci-dessus, quelques conseils pratiques peuvent être donnés aux justiciables pour soutenir une demande en dommages et intérêts :
- procéder en temps utile à une saisie-description pour identifier la masse des biens contrefaisants ;
- rassembler les contrats de licence qui ont été conclus par la victime pour définir un « contrat-type » (et le taux des « royalties » correspondant) qui aurait pu être obtenu si un contrat de licence avait été conclu ; à défaut de contrat de licence préalable, se rapporter à des bases de données compilant les contrats de licence par secteur et déterminer un taux correspondant à la moyenne statistique pour le type de contrat concerné (telles que, par exemple, royaltyrates, royaltyrange ou royaltystat – attention, ces données doivent encore être adéquatement interprétées) ;
- si possible, procéder à une expertise comptable pour asseoir la preuve des bénéfices perdus.
2. L’équité : solution subsidiaire pour le calcul de l’indemnisation
On le voit : établir le montant de l’indemnisation peut s’avérer chose compliquée. Pour répondre à cette situation, la jurisprudence admet qu’une évaluation équitable du dommage puisse avoir lieu.
En effet, si la preuve du montant du dommage ne parvient pas à être faite, et pourvu que les parties aient loyalement coopéré au procès, le juge peut toujours fixer le dommage en équité (ou, pour le dire autrement : de manière arbitraire).
La jurisprudence s’entend pour dire qu’il s’agit nécessairement d’une solution subsidiaire, à laquelle il ne peut être recouru que s’il est impossible de définir autrement le montant de l’indemnisation.
Notamment, il s’agit d’une solution fréquente en matière de contrefaçon en ligne par téléchargement, sans qu’il soit possible à la victime d’établir le nombre de fois que sa création a été téléchargée illégalement [4].
En pratique, le juge se montre sensiblement moins généreux que lorsqu’il s’agit d’indemniser un dommage clairement avéré. Au-delà même des principes, il s’agit donc clairement d’une voie à n’utiliser qu’à titre subsidiaire.
Vous avez encore des questions ?
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Contactez-nous [1] Cass.. 13 avril 1995 ; Cass. 23 décembre 1992 ; R.-O. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, vol. 2, Bruxelles, Larcier, 1962, n°4041.
[2] M. BUYDENS, « La réparation du dommage en droit de la propriété intellectuelle », in B. VANBRABANT (éd.), Droits intellectuels : le contentieux (compétence, procédures, sanctions), Anthémis, CUP 132, p. 149.
[3] Ceci dépasserait la fonction purement réparatrice du dommage que la Cour de cassation attribue à l’indemnisation ; force est cependant de constater que dans le cas contraire, il n’y aurait plus d’avantage pour le contrevenant à négocier une licence préalable.
[4] A. BERENBOOM, Contrefaçon sur l’internet – Réparation du dommage, 2009.