A qui appartient la clientèle acquise à la fin du contrat de franchise ?
Suite de notre série de fiches explicatives sur le contrat de franchise. La présente note répond à la question de savoir à qui appartient la clientèle acquise par un franchisé lorsque le contrat de franchise prend fin [1].
Cette question revêt un intérêt tout particulier. La clientèle constitue en effet un potentiel économique non négligeable que chaque entreprise tend à s’accaparer.
Qui est propriétaire de la clientèle ?
Pour déterminer ce qu’il advient de faire de la clientèle acquise lorsque le contrat de franchise prend fin, tentons d’abord de déterminer à qui elle appartient.
Pendant le contrat de franchise, qui est le titulaire de la clientèle ? Le franchisé ou le franchiseur ? A priori… aucun des deux.
Une telle conclusion s’impose par le constat selon lequel la clientèle connaît de nombreuses causes de fidélité. En effet, d’une part, elle est attirée par le « know how » et l’enseigne du franchiseur, d’autre part, la vente n’est rendue possible que par le travail du franchisé. En pratique, il est impossible de distinguer quels efforts – ceux du franchiseur ou du franchisé – ont été déterminants dans la capture finale du client.
Que devient la clientèle à la fin du contrat ?
À la fin de la franchise, la clientèle se répartira naturellement entre le franchisé et le franchiseur, en fonction des divers éléments du commerce qu’ils se répartissent. On pense par exemple au partage suivant :
- le franchiseur garde : l’enseigne, la marque déposée, le know-how, la qualité du produit ou des services ;
- le franchisé garde : l’immeuble ou le droit au bail – l’emplacement du point de vente est souvent stratégique – et le personnel.
La répartition de la clientèle entre le franchiseur et le franchisé sera relativement opaque et dépendra, tout à la fois, des caractéristiques du commerce et des préférences marquées par chaque client pour l’un ou l’autre élément du point de vente concerné par la fin du contrat de franchise. Dans l’hypothèse où l’ex-franchisé tente de lancer un second commerce, similaire au précédent, on peut observer des dynamiques très variables, qui seront mieux exposées à l’aide de deux exemples :
- dans une franchise de grande distribution, le consommateur s’attache, selon les cas :
- à la qualité et au prix des produits fournis par le franchiseur, ou
- à la proximité du magasin du franchisé ;
- dans une franchise de salles de fitness, le consommateur s’attache, selon les cas :
- à la possibilité de faire partie du club du franchiseur, afin de disposer de plusieurs salles pour s’entraîner (près de ses bureaux et près de son domicile), ou
- à l’équipe d’encadrement (les « coachs ») recrutée par le franchisé.
Le franchisé ne pourra toutefois profiter de la clientèle acquise durant le contrat de franchise que si deux conditions sont réunies :
- le contrat ne contient pas de clause de non-concurrence, lui interdisant de poursuivre toute activité similaire après la fin du contrat ; et,
- le franchisé lance effectivement une activité similaire après la fin du contrat de franchise.
Que décider, par contre, si le franchisé ne peut tirer parti de la clientèle ? Le franchisé peut-il réclamer une indemnité à son franchiseur pour la perte de la clientèle (ou, en d’autres termes, pour le gain de clientèle dont bénéficie le franchiseur) ?
Le franchisé n’a, en principe, droit à aucune indemnité pour abandon de clientèle
La question a été et reste très débattue [2]. Tout d’abord, il faut remarquer que la loi ne prévoit aucune indemnité ayant pour but de compenser la perte de clientèle du franchisé. La jurisprudence (et les avocats-conseils) se sont donc essayés à vérifier s’il n’existait une autre base juridique pour justifier le versement d’une indemnité. En ont découlés de longues controverses dont voici la synthèse, en quelques lignes.
En jurisprudence belge, la tendance actuelle est que le contrat de franchise ne permet pas au franchisé de réclamer une indemnité de clientèle à son franchiseur.
Cette tendance se justifie par le fait que le contrat de franchise est un contrat particulier qui s’exécute dans le cadre d’un « réseau ». Tous les membres (franchisés) de ce réseau bénéficient de son attractivité et par là indirectement de toute la clientèle attirée par les efforts mutuels des franchisés et du franchiseur.
Dès lors, on peut comprendre qu’un franchisé fasse une sorte de « sacrifice » en laissant sa clientèle au réseau, sans indemnité, car il a bénéficié de l’attractivité du réseau pour exercer son activité et en tirer des profits.
Dans la majorité des cas le franchisé perd donc sa clientèle, sans indemnité, lorsqu’il interrompt ses activités.
Une solution : la requalification du contrat de franchise ?
Lorsque la clientèle acquise est particulièrement significative, de nombreux franchisés souhaitent à toute force être indemnisés pour les efforts réalisés pendant la durée du contrat de franchise – et dont le réseau bénéficie.
Deux solutions peuvent être envisagées. La première consiste à introduire malgré tout une action judiciaire pour tenter de bénéficier d’une jurisprudence minoritaire [3] dans le cadre du contrat de franchise.
Une seconde solution peut être d’essayer de sortir du cadre du contrat de franchise en demandant au juge de requalifier le contrat de franchise en un autre type de contrat de distribution – par exemple, un contrat de « concession commerciale », à la fin duquel le cessionnaire a effectivement droit à une indemnité pour compenser l’abandon de clientèle.
Il s’agit d’une opération subtile, qui suppose de prouver que le contrat ne répondait pas complètement à la définition du contrat de franchise (par exemple, parce qu’il n’y a pas eu de transfert de savoir-faire ; parce qu’il n’y a pas eu d’assistance suffisante de la part du franchiseur ; parce qu’il n’y a pas de véritable réseau ; etc.). Il peut s’agir d’une opération profitable : dans le cadre d’un contrat de concession, l’abandon de clientèle est substantiellement indemnisée (voir article X.37 du Code de droit économique).
Notre conseil:
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Vous avez trouvé cette fiche intéressante ? Pour plus d’informations, vous pouvez également vous rapporter à notre table des matières sur le contrat de franchise.
Contactez-nous[1] Pour plus d’informations sur cette question, voyez : O. CLEVENBERGH, La question de l’attribution d’une « indemnité de clientèle » au franchisé à la fin du contrat, in La distribution commerciale, sous la direction de P. DEMOLIN, B. SIMPLELAERE et L. HAWKES, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 177-211.
[2] Voyez par exemple en France : C. PRIETO, « Le franchisé a une clientèle et peut prétendre à la propriété commerciale », Note sous Cass. 3ème civ., 27 mars 2002, Consorts Trévisan c. Epoux Basquet, arrêt n° 615, pourvoi n° 00-20.732, Droit 21, 2002, Chr., AJ. [3] Pour une recension des opinions dissidentes en faveur d’une indemnité de fin de contrat, voyez: P. DEMOLIN, « Le contrat de franchise et l’information précontractuelle », in P. HOLLANDER, Le droit de la distribution, CUP-Liège, n° 110, 2009.