Quelle sanction pour une clause de non-concurrence illégale : nullité ou réduction ?
Les conditions dans lesquelles une clause de non-concurrence est illégale sont connues et ont été discutées dans une série de billets antérieurs consacrés au contrat de non-concurrence. A présent, nous nous tournons vers les règles relatives à la sanction.
Une obligation de non-concurrence illégale est-elle nulle (en sorte que celui qui l’aurait violé ne peut pas être poursuivi), ou bien peut-elle être « sauvée » et maintenue par le juge (mais réduite dans la limite de ce que la loi autorise) ?
La Cour de cassation a récemment tranché le débat sur la sanction. Les lignes qui suivent font le point sur la question.
En principe, la clause de non-concurrence est nulle
En principe, la clause de non-concurrence illégale (soit d’une durée trop longue, soit portant sur un territoire trop large) porte atteinte à la liberté d’entreprise et de commerce et est donc nulle « de nullité absolue » comme attentatoire à l’ordre public économique. La sanction est donc lourde.
En effet, par un arrêt du 23 mars 2006, la Cour de cassation avait arrêté que « lorsque le juge constate la nullité absolue d’une clause d’un contrat, il ne peut la remplacer par une autre clause qui ne repose pas sur le consentement des parties. » [1]
Il résulte de la nullité de la clause de non-concurrence que :
- le débiteur de l’obligation de non-concurrence est libéré de celle-ci ; de même que,
- le cocontractant qui devait éventuellement payer une indemnité en contrepartie de la charge que fait peser l’obligation de non-concurrence, est libéré de son paiement.
Une « clause de modération » insérée dans le contrat peut faire obstacle à la nullité
La Cour de cassation a apporté une précision de taille à la règle de sanction énoncée ci-dessus, dans l’hypothèse où une « clause de modération » est présente dans le contrat.
Une clause de modération est une clause contractuelle au terme de laquelle les parties conviennent que si tout ou partie du contrat devait être annulé, le contrat subsistera et la clause annulée sera remplacée de bonne foi par une clause équivalente.
Dorénavant, il est clair que l’existence d’une clause de modération permet de « sauver » la clause de non-concurrence de la nullité.
En effet, en ce qui concerne la sanction, un arrêt rendu le 23 janvier 2015 par la Cour de cassation décide que :
« Si un accord ou d’une disposition est contraire à une règle d’ordre public et donc nulle, le tribunal peut limiter la nullité de la convention ou de la disposition à la partie qui y est contraire :
- si une nullité partielle est possible (la clause n’est pas l’objet de l’accord ; les clauses du contrat sont séparables) ;
- si la loi ne l’interdit pas ; et,
- si le maintien du contrat partiellement annulé correspond à l’intention des parties. »[2]
Dans le cas examiné par la Cour, une clause de non-concurrence de dix-sept ans figurait dans un contrat de cession d’entreprise. La durée de cette clause était clairement trop longue et portait atteinte de manière excessive à la liberté d’entreprendre du débiteur de l’obligation de non-concurrence. La Cour de cassation modère la sanction et refuse que la clause soit annulée : par déférence à la clause de modération, la Cour d’appel devait se limiter à réduire la durée de l’obligation de non-concurrence dans la mesure de ce qui était admissible.
Sanction : deux conseils pratiques
1/ À l’avenir, les parties feront attention à intégrer – ou non, selon les points de vue et les attentes de chacun – une clause de modération rédigée en bonne et due forme, pour sauver la clause de non-concurrence qui serait excessive.
2/ Dans la mesure où, à l’avenir, les débats judiciaire porteront sur la façon dont le contrat doit être réécrit, et sur :
- la durée de la clause,
- sa portée géographique,
- sa portée matérielle (type de clientèle ou d’activités visées par l’obligation de non-concurrence).
… les parties veilleront à rassembler dès que possible des preuves de la nécessité de la clause de non-concurrence. Celle-ci peut être grosso modo estimée comme correspondant au « rayonnement commercial » de l’entreprise qui bénéficie de l’obligation de non-concurrence : type de clientèle ; localisation de la clientèle ; évaluation de l’obsolescence des données relatives à la clientèle (clientèle fidèle ou en constant renouvellement), etc. Autant d’éléments indispensables à l’appréciation de la sanction la plus juste.
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N’hésitez pas à nous contacter ! [1] Cass.,23 mars 2006, RG n° C040335N.
[2] Traduction libre: “Indien een overeenkomst of een beding strijdig is met een bepaling van openbare orde en bijgevolg nietig is, kan de rechter indien een partiële nietigheid mogelijk is, de nietigheid, behoudens de wet zulks verbiedt, beperken tot het met deze bepaling strijdig gedeelte van de overeenkomst of beding op voorwaarde dat het voortbestaan van de gedeeltelijk vernietigde overeenkomst of beding beantwoordt aan de partijbedoeling.” Cass., 23 janvier 2015, RG n° C.13.0579.N/1.