Le franchiseur peut-il intervenir dans la gestion de son franchisé ?
La présente fiche analyse un problème typique pouvant intervenir dans le cadre d’un contrat de franchise : l’ingérence du franchiseur dans la gestion du commerce de son franchisé.
Une obligation d’assistance, pas un droit d’ingérence total
Comme nous l’avons vu dans un précédent numéro de notre série de fiches pratiques sur le contrat de franchise, diverses obligations pèsent sur le franchisé et son franchiseur. L’une de ces obligations retiendra ici particulièrement notre attention : l’obligation d’assistance du franchiseur à l’égard de son franchisé.
Cette obligation d’assistance est double :
- elle impose au franchiseur de tout mettre en œuvre pour que le franchisé démarre ses activités dans les meilleures conditions possibles ; et,
- elle impose au franchiseur de maintenir une assistance commerciale durant toute la durée du contrat de franchise.
Par exemple, le franchiseur aidera le franchisé à obtenir certaines autorisations (ex. : permis d’urbanisme, d’exploitation, agrément, certification, …), l’assistera dans sa campagne de publicité, ou encore lui prodiguera des conseils de gestion ou de production.
Cette obligation n’autorise toutefois pas le franchiseur à en faire trop, et à excéder ce qui a été prévu dans le contrat de franchise. Le franchiseur doit respecter l’autonomie de gestion de son franchisé et ne pas faire ingérence. En d’autres termes, le franchiseur fournit une aide, mais le franchisé prend seul les décisions qu’il estime les plus opportunes pour la gestion de son commerce.
Où se situe alors la limite entre les actes permis et ceux qui ne le sont pas ? Comment savoir dans quel(s) cas la responsabilité du franchiseur pourra être engagée pour ingérence ? [1] La question est plus simple que l’on ne pourrait le penser…
Première limite à l’ingérence : le contrat de franchise
1) Les termes du contrat sont importants
Il faut d’abord examiner ce que les parties ont convenu dans le contrat de franchise. Le contrat prévoit souvent des obligations d’assistance bien spécifiques.
Par exemple, si le contrat impose au franchiseur d’assister et de conseiller son franchisé pour le lancement de sa campagne publicitaire, cela ne l’autorise pas à choisir à la place de son franchisé le type de publicités retenues en définitive.
Il est donc important de rédiger un contrat clair, surtout en ce qui concerne la définition des obligations d’assistance à charge du franchiseur.
2) Le franchiseur qui se comporte comme le « dirigeant de fait » de la société franchisée, engage sa responsabilité en cas de faillite
L’article 530 du Code des sociétés [2] établit une responsabilité spéciale à charge des personnes qui ont commis une faute grave et caractérisée qui a contribué à la faillite d’une société. Cette règle concerne non seulement les administrateurs de la société mais également « toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société » – communément appelée le « dirigeant de fait ».
Cette situation – bien que restreinte aux cas de faillite – peut trouver à s’appliquer aux contrats de franchise. Il suffit qu’un franchiseur prenne à la place du franchisé des décisions ayant entrainé la faillite de la société, alors que le contrat ne le lui permettait pas [3].
Seconde limite à l’ingérence : la nature de la franchise
La seconde limite à l’ingérence est plus implicite. Elle découle de la nature de la franchise et de ce que son exécution implique. Autrement dit, il s’agit de définir comment l’obligation d’assistance doit être exécutée.
Dans une affaire où la centralisation des commandes, la centralisation de la facturation, l’assortiment imposé, les stocks imposés et le système de manutention étaient des éléments obligatoires de gestion de la franchise, la Cour d’appel de Bruxelles [4] a considéré qu’une majeure partie de la compétence de gestion avait été transférée au franchiseur.
Dans ces circonstances le franchisé pouvait, certainement dans la phase du début, se fier à la gestion du franchiseur. La Cour considéra que la responsabilité du franchiseur devait être engagée car ce dernier avait manifestement livré son franchisé de façon exagérée. Le nombre de ventes fût beaucoup moins élevé que la quantité de biens livrés, ce qui causa préjudice au franchisé…
Que retenir en matière d’ingérence ?
Le contrat de franchise est un contrat très atypique. Ce contrat permet à un franchisé de lancer un commerce très similaire à celui de son franchiseur, de manière (quasi) indépendante mais avec l’assistance du franchiseur
La limite entre indépendance du franchisé et obligation d’assistance du franchiseur n’est pas toujours facilement définissable. Elle le sera principalement à l’aune :
- des termes du contrat, qui devront être le plus clair possible ; et,
- de ce que la nature de la franchise implique pour l’exécution de l’obligation d’assistance du franchiseur.
La plupart du temps, le déroulement de la franchise a lieu sans encombre, aucune des deux parties n’ayant intérêt à mettre des bâtons dans les roues à son partenaire. Néanmoins, en cas de conflit – notamment, en cas d’ingérence – les cours et tribunaux belges devront apprécier, au vu des faits particuliers à l’espèce, si la limite entre assistance ou ingérence a été franchie par le franchiseur.
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Contactez-nous [1] Gardons à l’esprit que la responsabilité du franchiseur peut être engagée tant en cas d’absence qu’en cas d’excès d’assistance (ou ingérence). Notre analyse portera cependant uniquement sur cette seconde hypothèse.
[2] « En cas de faillite de la société et d’insuffisance de l’actif et s’il est établi qu’une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou ancien administrateur, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, peuvent être déclarées personnellement obligées, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l’insuffisance de l’actif ».
[3] La jurisprudence de la Cour d’appel de Mons va dans ce sens (Mons, 13 janvier 2003, J.L.M.B., 2004, p. 54). Dans cette affaire, un curateur reprochait à un franchiseur de s’être comporté comme le dirigeant de fait de la société franchisée en état de faillite. Dans les principes, la Cour accepte cependant de considérer que le franchiseur pourrait être le gérant de fait. La Cour examina attentivement les actes reprochés par le curateur. La Cour considéra que les actes posés par le franchiseur n’étaient pas suffisants importants pour engager sa responsabilité.
[4] Bruxelles, 2 juin 2003, D.A.O.R, 2004, p. 37.