Découvrez quelles sont les aides d’État autorisées pour financer les projets de recherche et développement (R&D)
Les aides d’Etat en faveur de projets de recherche et développement (« R&D ») sont en principe interdites. En ce sens, notre dernière note déterminait les règles applicables pour les aides d’Etat aux universités, écoles et PPP lorsqu’elle était octroyée pour des travaux de recherche (cas des « spin-off » et des « PPP »).
Lorsqu’il est acquis que la mesure publique constitue une « aide d’État », ce n’est que par exception que celle-ci sera autorisée par la Commission européenne.
La présente note fournit un résumé clair des circonstances dans lesquelles une aide d’Etat à la recherche et au développement peut malgré tout être autorisée.
Instruments juridiques disponibles pour justifier une aide à la recherche et au développements
La Commission européenne montre un a priori favorable à l’égard des aides de R&D.
Les mesures d’aides d’État en faveur de projets de recherche et de développement peuvent être justifiées de trois manières :
- par référence au Règlement sur les aides De minimis [1], lequel autorise ipso facto toute aide dont le montant ne dépasse pas un plafond total de 200.000 € sur trois exercices fiscaux ;
- par référence au Règlement d’exemption par catégorie (« RGEC ») [2] ;
- au terme d’une analyse ad hoc réalisée par la Commission européenne, en application des principes définis dans la Communication dite « d’Encadrement » [3].
L’articulation concurrente de ces différents instruments est présentée dans un (brillant) organigramme reproduit en pied de page.
Les lignes qui suivent font une présentation succincte des deux derniers instruments.
Le Règlement d’exemption par catégorie (« RGEC »)
Le Règlement d’exemption par catégorie est la solution la plus simple : lorsque l’aide d’État à un projet de recherche et développement respecte le RGEC, l’aide ne doit pas être notifiée / autorisée au préalable par la Commission. (L’aide est « exemptée » de l’obligation de notification).
Pour être exemptée, il faut que l’aide :
- soit transparente : son montant est clair (ex. : subventions ; avantage fiscal ; etc.) ;
- soit incitative : elle doit changer contribuer à définir le comportement de son bénéficiaire (ex. : l’aide est sollicitée avant le lancement du projet de R&D) ;
- ne dépasse pas les seuils autorisés, ni en montant, ni en intensité (voir tableau ci-dessous). Par exemple :
- Une aide d’État pour financer le développement expérimental d’un produit pourra atteindre jusqu’à 15 millions d’euros pour autant que l’aide ne dépasse pas 35% des coûts « admissibles » du projet.
- Les coûts admissibles sont définis par le RGEC en fonction du type d’aide ; en matière de développement expérimental, le RGEC identifie comme coûts admissibles : les frais de personnel (chercheurs, techniciens) ; le coût des instruments et du matériel ; etc.)).
- Les autres 65% des coûts admissibles ainsi que les coûts non admissibles ne pourront pas être subventionnés et devront être supportés par le bénéficiaire de l’aide.
Ce n’est que si ces différentes conditions sont respectées que l’aide sera exemptée et ne devra pas être notifiée à la Commission européenne.
Types d’aide | Montants autorisés | Intensités autorisées | ||
Grande entreprise[4] | Entreprise moyenne | Petite entreprise | ||
Projets de R&D | ||||
– Recherche fondamentale | EUR 40 millions par entreprise par projet | 100% | 100% | 100% |
– Recherche industrielle | EUR 20 millions par entreprise par projet | 50% (-65%) | 60% (-75%) | 70% (-80%) |
– Développement expérimental | EUR 15 millions par entreprise par projet | 25% (-40%) | 35% (-50%) | 45% (-60%) |
– Dispositions spécifiques | Les seuils autorisés précités sont doublés pour les projets :- Eureka ; ou,- mis en œuvre par une entreprise commune art. 185/187 TFUE. Les montants autorisés précités sont +50% si versés sous forme d’avance récupérable. | 50% | 50% | 50% |
Études de faisabilité | EUR 7.5 millions par étude | 50 % | 60% | 70% |
Infrastructures de recherches | EUR 20 millions par infrastructure | 50% | ||
Clusters (ou « pôles d’innovation ») | EUR 7.5 millions par cluster | 50% des coûts d’investissement et de fonctionnement. | ||
Innovation de procédé et d’organisation(modes de livraison, pratiques commerciales, organisation du lieu de travail et des relations extérieures) | EUR 7.5 million par entreprise, par projet | 15% | 50% | 50% |
Aides à l’innovation en faveur des PME (dépôt de brevets, etc.) | EUR 5 millions par entreprise, par projet | / | 50% | 50% |
Les vertus du Règlements d’exemption par catégorie (facilité de mise en œuvre, absence de notification préalable) sont à l’origine du fait que la Région wallonne et la Région de Bruxelles-capitale s’appuient abondamment sur cet instrument pour leurs programmes d’aides.
La Communication d’ « Encadrement » des aides
Toute aide d’État à un projet de recherche et développement qui n’entre pas dans les limites fixées par le Règlement général d’exemption par catégorie doit être notifiée à la Commission européenne avant son octroi.
La Commission procède alors à un examen de l’aide, conformément à un certain nombre de principes d’analyse définis par la Communication d’Encadrement, pour plus de prévisibilité.
En pratique, la Commission contrôle que la mesure d’aide présente un certain nombre de caractéristiques « positives » et qu’elle n’exhibe pas des caractéristiques « négatives ».
Au terme de son analyse, la Commission procède à une mise en balance des caractéristiques positives ou négatives de l’aide, pour, au choix :
- autoriser l’aide ;
- refuser l’aide ; ou
- autoriser l’aide moyennant le respect de certaines conditions.
Les différentes caractéristiques prises en considérations sont brièvement listées ci-dessous.
L’aide doit contribuer à une croissance intelligence (objectif d’intérêt commun).
- Exemple : la mesure fait partie d’un programme global visant à stimuler les activités de R&D ou de stratégies de spécialisation intelligente dans un secteur donné.
L’aide doit être nécessaire et répondre à une défaillance de marché.
- Exemples de défaillances de marché justifiant une intervention publique :
- diffusion des connaissances : impossibilité de « privatiser » le résultat des recherches telle que le projet ne pourrait pas être financé par le secteur privé (ex. : impossibilité de déposer un brevet);
- information imparfaite et asymétrique : financements privés absents du fait d’un niveau de risque élevé et de la complexité des activités de R&D ;
- projet confronté à des problèmes de coordination entre entreprises.
La mesure d’aide doit être une mesure appropriée.
- Les autres interventions publiques ont déjà été mises en œuvre (ex. : politique éducative publique ; réglementation sectorielle adaptée) ;
- La mesure elle-même n’est pas excessive (préférence pour les avances récupérables ou les l’octroi de garanties pour aider à l’obtention de trésorerie, par opposition aux subventions).
L’aide d’État doit avoir un effet incitatif : elle doit amener l’entreprise à réaliser un projet de R&D qu’elle n’aurait pas entrepris (ou pas avec cette ampleur) en l’absence d’aide.
- Comparaison des plans d’investissement avec et sans aide (scénario contrefactuel), tels que décrits par les documents internes de l’entreprise : business plans, évaluation du risque ou documents soumis à des investisseurs privé.
L’aide d’État doit être proportionnée : son montant ne doit pas dépasser le minimum nécessaire pour rendre le projet « suffisamment profitable ».
- Le respect du caractère « suffisamment profitable » de l’aide peut notamment être établi par référence :
- à la rentabilité moyenne du secteur ;
- aux seuils d’intensité définis dans l’Encadrement (voir tableau supra) ;
- aux coûts nets supplémentaires du projet aidé.
L’aide d’État ne peut pas avoir pour effet de :
- créer du pouvoir de marché (position dominante) / empêcher l’entrée de concurrents sur le marché ;
- affecter les incitations à innover / maintenir des structures de marché inefficaces ;
- être discriminatoire et affecter le choix du site des activités. (Ex. : exiger que le bénéficiaire ait son siège dans l’État membre concerné (ou d’être principalement établi dans ce même État membre) ou utilise des produits ou des services nationaux ou limitant la possibilité d’exploiter les résultats de RDI dans d’autres États membres).
Récapitulatif sous la forme d’un (brillant) organigramme.
Chose promise, chose due :
Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet ?
Contactez-nous ![1] Règlement n°1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis, JO, 28.12.2006, L 379/5.
[2] Règlement n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur (Règlement général d’exemption par catégorie – « RGEC »), JO, 26.6.2014, L 18
[3] Communication de la Commission – Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation, OJ, 27.06.2014, C 198/1.
[4] Recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises, OJ, 20.5.2003, L 124/36.
- Une petite entreprise occupe moins de 50 personnes et présente un chiffre d’affaires annuel ou un total du bilan annuel qui n’excède pas 10 millions EUR ;
- Une entreprise moyenne occupe moins de 250 personnes et présente un chiffre d’affaires annuel qui n’excède pas 50 millions EUR ou un total du bilan annuel qui n’excède pas 43 millions EUR.
- Une grande entreprise dépasse les seuils précités.