Un certain nombre de fournisseurs proposent à leurs revendeurs des tarifs différenciés (ou « dual pricing ») selon le canal de vente via lequel leurs produits sont distribués (online ou offline).
Ces pratiques sont potentiellement interdites et peuvent déboucher sur des amendes. Les lignes qui suivent font le tour de la question.
Interdiction du « dual pricing » ou des tarifs différenciés : explications
Le « Dual pricing » est la pratique qui consiste, pour un fournisseur, à proposer à ses distributeurs des tarifs différenciés selon que la revente de ses produits est effectuée par internet ou dans un point de vente physique.
Les Lignes directrices sur les restrictions verticales interdisent de « convenir que le distributeur paie un prix plus élevé pour des produits destinés à être revendus par internet que pour des produits destinés à être revendus autrement » (§54).
Clairement, l’ambition de la Commission européenne est d’interdire les pratiques qui auraient pour effet de décourager les revendeurs à utiliser internet et qui, indirectement, permettent au fournisseur de se réserver la vente en ligne.
Tarifs différenciés : une jurisprudence divisée
Alors que le principe est simple, des difficultés de mise en œuvre apparaissent rapidement.
En effet, il est d’usage pour les fournisseurs de rémunérer les services rendus par leurs distributeurs, tels que l’exposition des produits en vitrine, le stockage de ceux-ci pour qu’ils soient disponibles directement, le conseil et le service après-vente.
Les autorités de la concurrence – pourtant favorables au maintien de services en magasin – considèrent que la rémunération de ces services via l’octroi, par le fournisseur, de ristournes exclusivement offertes sur les produits revendus en boutique constitue une violation déguisée de l’interdiction de pratiquer des tarifs différenciés (« dual pricing »)[1].
Ainsi, la société allemande Dornbracht, spécialisée dans l’installation de salles de bain, a été condamnée en raison de pratiques de tarifs différenciés. En l’espèce, la société garantissait des ristournes à ses revendeurs s’ils remplissaient certains critères de qualités qui ne pouvaient être rencontrés qu’en la présence physique du commerçant (ex. : conseil de la clientèle, installation du matériel, service après-vente,…). En conséquence, les grossistes fournissaient les revendeurs qui opéraient par internet à des prix supérieurs. Ces clauses furent jugées contraires au droit de la concurrence, car équivalent à des incitations ayant pour but d’exclure la distribution en ligne[2].
Sur ce sujet, la jurisprudence semble cependant divisée.
En effet, antérieurement, les juridictions néerlandaises se sont montrées favorables aux tarifs différenciés, considérant ce système légal s’il était démontré que la vente en ligne générait plus ou moins de coûts que la vente physique [3].
Dans ces circonstances, la meilleure solution consiste sans doute à exiger de ses distributeurs qu’ils respectent aussi des standards de qualité pour la vente en ligne, et à appliquer la remise sur l’ensemble des fournitures. Pour aller plus loin, la prudence reste de mise.
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- l’ « astroturfing » (soit, le fait de poster de faux commentaires en ligne pour vanter son commerce ou dénigrer un concurrent).
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Contactez-nous [1] L. Vogel, « La distribution par internet après l’arrêt Pierre Fabre », Colloque : Réseaux de distribution et droit de la concurrence, 2012, n°1, p.6.
[2] OLG Dusseldorf, 13 novembre 2013, VI-U (Kart) 11/3. ; J-M. SCHULTZE, D. WAGENER, S. PAUKTE ET J. KÜBLER, « Damage claim against Dornbracht and its managing director for restrictions of online sales », Commeo LPP, 16 octobre 2014.
[3] Civ. Zutphen, 30 décembre 2005, Groen Trend c/ Atag Etna Pilgrim, affaire 74100/KG ZA 05-309.