Droit belge de la concurrence : Que craindre ? Qu’en espérer ?
Une nouvelle loi belge de la concurrence a été adoptée le 3 avril 2013. Cette nouvelle loi apporte plusieurs modifications substantielles au droit applicable, tant en ce qui concerne les règles de fond que la procédure.
Le droit belge de la concurrence prend un nouveau tournant. Depuis 2006 – date de la précédente réforme législative – l’Autorité belge de la concurrence (ci-après : « l’Autorité ») avait fait preuve d’une relative inefficacité dans la conduite de ses activités. Au cours des années précédentes, nombre d’affaires qui auraient mérité d’être investiguées furent classées sans suite en raison d’un manque criant de financements et de moyens d’investigation. Il semblerait toutefois que cette situation soit aujourd’hui révolue. Conformément à l’accord de gouvernement conclu par le Gouvernement Di Rupo, l’autorité de la concurrence est renforcée financièrement. Une augmentation budgétaire de 2,5 millions d’euros a ainsi été décidée, afin de permettre à l’Autorité de faire plus d’affaires.
Plusieurs modifications législatives ont également été adoptées. Les nouvelles dispositions légales prennent place dans le nouveau Code de droit économique. Une sélection des modifications les plus saillantes est fournie dans les lignes qui suivent.
Des sanctions à l’égard des particuliers
La nouvelle loi belge de la concurrence maintient l’interdiction des accords entre entreprises restreignant la concurrence et maintient l’interdiction des abus de position dominante. Par contre, les sanctions pouvant frapper les infractions au droit de la concurrence évoluent. A l’avenir, en plus des amendes pouvant être imposées aux entreprises, des sanctions pourront peser personnellement sur les personnes physiques qui contribuent à la commission d’une infraction grave. Ainsi, la loi prévoit qu’il est dorénavant interdit aux personnes physiques de négocier avec des concurrents, au nom et pour le compte d’une entreprise et, ce faisant :
a) de fixer les prix de vente de produits ou services aux tiers ; b) de limiter la production ou la vente de produits ou services ; c) d’attribuer des marchés.
La violation de cette nouvelle interdiction est punie d’une amende administrative pouvant aller de 100 à 10.000 euros.
Sous conditions, les personnes physiques concernées peuvent introduire une demande d’immunité des poursuites si elles collaborent à l’instruction et contribuent à prouver l’infraction. Cette immunité est cumulable avec la procédure de clémence dont peut bénéficier l’entreprise pour laquelle la personne a agi.¨
Les mesures provisoires
Les règles concernant les mesures provisoires ont été significativement modifiées. Faisant le constat que les plaignants ne considèrent pas l’Autorité comme le lieu approprié pour le traitement de leurs griefs mais qu’ils préfèrent agir au niveau européen ou au niveau des cours et tribunaux, le Gouvernement a souhaité réformer la procédure de mesures provisoires en vue de la rendre plus attrayante.
La nouvelle procédure a pour objectif d’amener le Collège de la concurrence à se prononcer sur l’octroi de mesures provisoires dans les deux mois de l’introduction de la demande. L’audience devra dorénavant se tenir dans le mois de l’introduction de la demande, et la décision devra être prise dans le mois de l’audience.
Le Gouvernement attend principalement un effet utile en matière d’abus de position dominante pour lesquels – contrairement aux cartels – les victimes sont le plus souvent conscientes de l’existence d’un problème de concurrence.
Organisation interne et droits de la défense
La nouvelle loi belge de la concurrence réforme également la structure et le fonctionnement de l’Autorité belge de la concurrence, laquelle est désormais composée d’un Comité de Direction en charge de la gestion des priorités, un Président, le Collège de la concurrence et un nouvel Auditorat.
Le Président de l’Autorité réformée présidera le Collège décisionnel, et siégera avec deux assesseurs indépendants. L’Auditorat – dirigé par l’Auditeur général – constituera le service d’instruction, lequel fournira un projet de décision au Collège.
La loi tente de ménager les droits de la défense comme suit :
- dès avant le dépôt du projet de décision, l’entreprise concernée est informée des griefs et des preuves y afférentes, afin de lui permettre de déposer d’autres éléments de défense ;
- les parties doivent déposer leurs pièces auprès de l’Auditorat afin que celui-ci se prononce à charge et à décharge ;
- les parties disposent d’un délai de deux mois pour consulter le dossier et introduire des remarques écrites ;
- le projet de décision de l’Auditorat est communiqué aux parties ;
- au plus tard à la fin du délai de deux mois précité, une audition est organisée.
Le Collège de la concurrence se prononce dans le mois de l’audience. Les éventuels recours contre une condamnation prononcée par le Collège de la concurrence relèvent de la compétence de la Cour d’appel de Bruxelles.
Transaction
La nouvelle loi belge de la concurrence introduit également une procédure de transaction, inédite en droit belge de la concurrence. Selon les nouvelles dispositions, l’Auditorat peut à présent proposer aux entreprises qui font l’objet d’une procédure d’instruction de reconnaître la commission de l’infraction en échange d’une réduction de 10% du montant de l’amende.
Cette procédure, initiée par l’Auditorat, prend nécessairement place avant la rédaction du projet de décision. De manière surprenante, la procédure de transaction est mobilisable tant à l’égard des accords illicites entre entreprises – dont notamment, mais pas uniquement, les cas de cartels – qu’à l’égard d’abus de position dominante. Aucun recours n’est ouvert contre une décision de transaction.
Entrée en vigueur
La nouvelle loi belge de la concurrence est entrée en vigueur pour partie le 28 mai 2013, pour partie le 4 septembre 2013, après quelques péripéties.
Gageons que l’autorité nouvellement composée aura à cœur de se mettre rapidement au travail.