Vous l’ignoriez peut-être, mais le cartel du transport aérien vous a détroussé
Les chiffres sont implacables. Les faillites se multiplient en Belgique depuis plusieurs mois, les PME étant les premières touchées. Pourtant, des opportunités existent permettant à ces entreprises de rétablir leur trésorerie. Le droit de la concurrence offre aux victimes de cartels (consommateurs, mais aussi entreprises, PME), qui souvent ignorent avoir été détroussées par leurs fournisseurs, la possibilité de réclamer à ceux-ci une réparation équivalent environ à 20% du montant de leurs factures.
Si vous transportez des marchandise par avion, vous avez été victime d’un cartel. Vous pouvez demander à être remboursés.
C’est une procédure méconnue et inutilisée. Pourtant, depuis plusieurs années, la Commission européenne fait tant qu’elle peut la promotion des actions en dommages et intérêts pour les victimes de pratiques concurrentielles.
«Les infractions aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante causent de graves préjudices aux entreprises et aux consommateurs européens» a ainsi déclaré M. Joaquín ALMUNIA, vice-président de la Commission européene et responsable de la politique de concurrence.
«Nous devons faire en sorte que toutes les victimes de ces infractions puissent obtenir réparation du préjudice qu’elles ont subi, en particulier quand une autorité de concurrence a constaté et sanctionné une telle infraction ».
Rappelons ici qu’un cartel est une entente secrète, illégale, par laquelle l’ensemble des entreprises d’un secteur décident de suspendre la concurrence entre elles pour augmenter les prix sur le marché. En conséquence, leurs clients subissent un préjudice invisible, et trop souvent négligé, consistant à devoir payer plus cher le prix des biens et services qu’ils achètent. Les décisions de condamnation prononcées par les autorités de la concurrence – au premier rang desquelles, la Commission européenne – constituent ainsi autant d’opportunités pour les entreprises qui ont été victimes d’un cartel d’obtenir a posteriori une rentrée d’argent sous forme de dommages et intérêts.
Le cartel du fret aérien (import – export de marchandises)
Prenons un exemple transversal, applicable à tous les secteurs de l’économie : celui des transports de fret aériens. Fin 2010, la Commission européenne met à jour un cartel impliquant onze entreprises de transport de fret aérien, lesquelles avaient coordonné leurs tarifs durant plus de six ans au détriment de leurs clients. A titre de sanction, la Commission a imposé aux transporteurs aériens des amendes pour un total de 799 millions d’euros. D’un point de vue judiciaire, cela signifie en clair que toute entreprise qui, entre décembre 1999 et 14 février 2006, a exporté sa production ou a importé des fournitures, par voie aérienne, en usant des services de l’une de ces compagnies, est en droit de réclamer des dommages et intérêts. Des acteurs centraux du secteur sont concernés, il s’agit notamment Air France-KLM, British Airways, Air Canada, Japan Airlines, Cathay Pacific, Cargolux, LAN Chile, Martinair, SAS, Singapore Airlines et Qantas.
La volonté affichée de la Commission européenne d’encourager l’introduction de demandes de dommages et intérêts pour les victimes de cartel va de pair avec un abattement de la tâche probatoire des parties. Toute action en dommages et intérêt requiert que soient prouvés :
- la faute de la partie adverse,
- un préjudice, et
- un lien de causalité entre la faute et le dommage causé.
Or, dans le cas de figure qui nous occupe, la faute est déjà établie par la décision de l’autorité de la concurrence qui sanctionne le cartel par une amende ! En outre, la Commission a élaboré plusieurs documents destinés à faciliter la preuve du dommage et du lien de causalité. Bref, la direction du prétoire est toute indiquée.
Le surcoût imposé par les cartels – ou, pour le dire autrement, le montant du préjudice des clients – varie en fonction du cartel. A titre indicatif, on relèvera toutefois que certaines juridictions ont décidé d’ériger en présomption légale que tout cartel impose à ses victimes un surprix de 20%. Il est donc raisonnable d’affirmer que toute victime d’un cartel (entreprise ou consommateur) peut prétendre au remboursement d’une somme équivalent approximativement à 20% du montant de ses factures (avis à ceux qui ont conservé leurs factures ou autre traces de leurs contrats d’import-export !).
Les cartels causent préjudice aux consommateurs finals aussi bien qu’aux entreprises. Des entreprises placées dans la même situation pourraient facilement coordonner une action judiciaire (via, par exemple, l’intervention d’un syndicat ou d’une association d’entreprise) permettant ainsi une mutualisation très effective des coûts d’un procès.
Il existe des cartels dans tous les secteurs de l’économie
Des cartels sont mis à jours dans tous les domaines, en sorte que tous les secteurs de l’économie sont concernés. Les quelques exemples repris ci-dessous suffiront à illustrer notre propos :
- Audiovisuel : Tubes pour écrans cathodique et écrans LCD (télévision, ordinateurs)
- Chimie : stabilisants étain pour la transformation du PVC
- Consommation : Poudre à lessiver , compresseurs frigorifiques (réfrigérateurs, congélateurs, distributeurs de boisson, …)
- Construction immobilière : Quincaillerie de fenêtre (châssis), installations sanitaires pour salle de bain (éviers, les baignoires, la robinetterie, …).
- Transports : Verre automobile
- …
Sans aucun doute, l’actualité nous permettra de revenir sur ce sujet au cours des prochaines semaines.