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De nombreux gérants concluent un « contrat de brasserie » pour l’approvisionnement en bière de leur établissement (bar, café, pub, restaurant). Ces contrats contiennent souvent une clause d’exclusivité interdisant au gérant de vendre des bières concurrentes pendant un certain nombre d’années. Ces clauses d’exclusivité sont réglementées ; de nombreux contrats de brasserie sont nuls.

Contrat d’approvisionnement exclusif en bière

En Belgique, il n’y a pas assez de débits de boisson. C’est en tous cas l’opinion des producteurs de bière, lesquels se livrent à une concurrence acharnée pour placer leurs produits dans les différents bars. Les contrats de brasserie sont alors souvent négociés avec des conditions de livraison avantageuses, mais moyennant l’introduction d’une clause d’exclusivité interdisant à l’établissement de vendre d’autres bières que celles fournies par le brasseur.

Tout n’est pas permis cependant.

En effet, en matière de clause d’exclusivité d’approvisionnement, si la majorité des débits de boissons sont liés par une obligation d’exclusivité, il existe un risque que plus aucun nouveau brasseur ne puisse entrer sur le marché et se développer. (En d’autres termes, si le nouveau brasseur ne trouve aucun bar pour vendre ses bières, il ne peut plus accéder aux consommateurs et étouffe, faute de débouchés).

Or, le marché de la bière est caractérisé par une forte concentration (AB Inbev détient plus de 50% de parts du marché) et une longue tradition de contrats de brasserie avec approvisionnement exclusif [1]. Le risque d’étouffement est donc bien réel. En conséquence, les règles élaborées pour combattre ce risque d’étouffement sont relativement sévères.

La clause d’exclusivité d’approvisionnement qui est contenue dans votre contrat est sans doute illégale si :

  • la part de marché du brasseur ou du gérant de l’établissement dépasse 5 % ; et si,
  • la clause d’exclusivité dure plus de cinq ans (en ce compris les clauses impliquant un renouvellement tacite) [2].

Si ces deux conditions sont réunies, il existe des raisons de croire que le contrat d’approvisionnement exclusif en bière contribue de manière significative à l’effet d’étouffement qui caractérise ce marché.

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Parts de marché des producteurs de bière et exclusivité

En pratique, il est rare qu’un établissement de l’horeca détienne plus de 5% de son marché (le marché des débits de boisson) même si on ne peut pas exclure l’existence d’une société bien établie au niveau local [3] ou l’émergence d’une franchise nationale de bars.

Par contre, il est relativement fréquent que les brasseurs détiennent plus de 5% du marché (marché de la vente de bière aux débits de boisson) [4].

Si les parts de marché détenues par chaque brasseur sont fluctuantes et font l’objet de débats, la jurisprudence de 2012 décrivait comme suit le marché belge :

  • AB InBev : environ 56 %
  • Alken-Maes : environ 13 %
  • Palm : environ 7 %
  • Haacht : environ 6 %.

Duvel-Morgat serait également dans une situation où elle disposerait de près de 5% de parts de marché.

Il en résulte que les accords conclus avec l’un des brasseurs nommés ci-dessus soulèvent automatiquement des questions quant à la légalité d’une éventuelle clause d’exclusivité d’approvisionnement.  (Le marché évoluant constamment, il y a cependant lieu de se référer aux chiffres actuels du marché).

Tout ou partie du contrat peut alors être annulé (ce qui peut être utile pour le gérant du débit de boisson, qui souhaite reprendre sa liberté ; mais désastreux pour son fournisseur).

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Clause d’exclusivité dans un contrat de bière : une brasserie peut en cacher une autre !

Un brasseur peut en cacher un autre. Il arrive en effet que certains brasseurs, de taille modeste sur le marché de la production de bière, soient très bien organisés pour la distribution de bière au niveau local. Des accords sont alors passés au terme desquels le brasseur local devient l’intermédiaire du brasseur national, pour assurer la distribution logistique (livraison de futs) vers les débits de boisson de débits de boissons de la région.

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Dans ce cas, si le brasseur-grossiste-intermédiaire entre également dans un contrat d’approvisionnement exclusif avec le brasseur-fournisseur, c’est ce dernier qui menace d’étouffer le marché, et c’est sa part de marché qu’il faut prendre en compte pour évaluer si la clause d’exclusivité conclue avec le débit de boisson est légale ou illégale [5] : un brasseur peut en cacher un autre.

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Chaque contrat de bière est unique et doit faire l’objet d’un examen individuel 

Les contrats de bière peuvent prendre de nombreuses formes différentes : le simple contrat de brasserie, un contrat de brasserie couplé à un contrat de bail, à un contrat de concession ou à un financement en vue de permettre la rénovation du débit de boisson.

Chaque contrat de bière doit donc faire l’objet d’une évaluation approfondie – non seulement en ce qui concerne l’éventuelle clause d’exclusivité qui y est insérée, mais également tous les autres aspects qui y sont insérés. Ceci est d’autant plus vrai que les différentes variantes du contrat peuvent influer sur l’analyse de la légalité de l’exclusivité d’approvisionnement, résumée ci-dessus.

Le contrat doit régler toutes les questions juridiques, dont notamment :

Il est conseillé de demander un avis juridique avant de négocier ce type de contrat.

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Vous souhaitez en savoir plus les clauses d’exclusivité dans les contrats de bière, ou les contrats dans le secteur brassicole ? Vous avez une question ? Vous souhaitez une défense ou un avis juridique ? N’hésitez pas à nous contacter !

Pour en savoir plus sur ce sujet ou sur des sujets proches, vous pouvez également vous reporter à nos tables des matières sur la clause d’exclusivité, ou sur le contrat de franchise.

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[1] CJUE, 28 février 1991, Delimitis c. Henninger Bräu AG, C-234/89, ECLI:EU:C:1991:91.

L’existence d’un « effet de réseau » existe dès lors que 30% du marché est lié par des accords exclusivisants similaires ; ce qui est constaté être le cas en Belgique en ce qui concerne les accords d’approvisionnement exclusifs en bière (voir Liège, 24 mai 2012, Maquet / SPRL Brasserie duGrand Enclos).

[2] Communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (« de minimis »), OJ C 368, 22.12.2001, p. 13.

[3] On peut cependant s’interroger sur l’assise géographique de ce marché. Si le marché du débit de boisson est considéré comme local, certains bars établis dans des localités éloignées pourraient être considérés comme détenant plus de 5% de leur marché.

[4] Le secteur est traditionnellement divisé en deux marchés : le marché relatif la vente de bière aux débits de boisson (bars, pubs, restaurants) et le marché relatif à la vente de bière pour le commerce de détail (épiceries, supermarchés, commerce de proximité). On peut s’interroger sur la question de savoir si le marché ne devrait pas en outre faire l’objet d’une division complémentaire avec, d’une part, le marché de la vente bière « pils » et, d’autre part, le marché de la vente de bières « trappistes ».

[5] TUE, 5 juillet 2001, Roberts c. Commission, T-25/99, ECLI:EU:T:2001:177.

[6] Sur la concurrence applicable sur le marché belge de la bière, voyez aussi :

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